COMPOSITION 1933

La livraison de l’orgue En 1853, Aristide Cavaillé-Coll conçoit l’orgue de la Basilique St-Clotilde sur la base d’un dessin préalable de la tribune exécuté par l’architecte de l’église (François Gau), en utilisant un dessin ancien qu’il avait réalisé en 1849 pour un orgue dans la cathédrale de Bayonne (cet orgue n’a jamais été construit). En avril 1855, alors que les travaux n’avaient toujours pas commencé, Cavaillé-Coll écrit au préfet afin de lui faire part de son inquiétude. En effet il n’avait toujours pas reçu les plans ultimes pour l’élévation du buffet d’orgue. Ce buffet a finalement été installé à l'été 1857 et Cavaillé-Coll a rapporté en septembre 1857 que presque toutes les parties de l’instrument prévues avaient été exécutées. Alors que la Basilique a été consacrée le 30 novembre 1857, l’orgue n’a été livré qu’au dernier semestre de l’année 1859. Pendant deux ans, la paroisse loua deux petits instruments à Cavaillé-Coll. Le premier, qui comportait 4 jeux, fut utilisé de décembre 1857 à mars 1858. Il fut remplacé par un instrument plus important, de 14 jeux et fut utilisé jusqu’à l’inauguration du grand-orgue.

LE CHANGEMENT DES PLANS 1853-1859

Il y a plusieurs hypothèses au sujet de ce

changement radical des plans originaux de

Cavaillé-Coll, qui signifiait un retard de livraison

de deux ans.

(1) Changement de l’architecte

Au début de l'automne 1853, l’architecte François-

Christian Gau sentant sa fin prochaine, confia

l’achèvement de la Basilique à son jeune

assistant, Théodore Ballu, qui modifia alors

l’élévation de la façade et des tours. Ces dernières

entraînèrent d’importantes modifications

concernant la position de la tribune et du buffet,

qui amenèrent Cavaillé-Coll à repenser

entièrement la disposition spatiale et sonore de

l’orgue. L'architecte Ballu a installé le buffet de

style néogothique au second étage d’une haute

tribune en chêne, sculptée par Pyanet et Th.

Lechesne. Le premier étage a été conçu pour

accueillir la Maîtrise. La tribune est accessible par

un escalier à partir de l'intérieur de l'église. La

tribune supérieure (niveau du grand orgue) était

desservie par un autre escalier à partir du narthex

de l’église. Cette élévation entraina une réduction

de la place consacrée à l’orgue dans le sens

vertical. Cavaillé-Coll dut se résoudre à contourner

cet obstacle en construisant l’instrument

principalement dans la profondeur (vers l’arrière).

Le problème de l'espace a été résolu partielle-

ment en disposant les tourelles latérales de

l’orgue vers l'avant de la tribune, pour aérer la

disposition du Grand Orgue. Avec un tel

agencement, il est clair que l’emplacement élevé

et la construction vers l'arrière ont créé un

problème important pour la diffusion et la

propagation du son de l'orgue vers la nef. De plus

avec de telles contraintes, Cavaillé-Coll dut se

résoudre à placer la console dans une sorte de

niche d’où la perception acoustique était des plus

mauvaises pour l’organiste.

Probablement en 1853 Cavaillé-Coll ne savait t’il

pas ce qui l’attendait au moment où il fit le dessin

de l’instrument. En 1855 il écrivit au préfet qu'il ne

recevait pas encore les plans ultimes pour le

buffet d’orgue. Ces plans confrontaient Cavaillé-

Coll à une situation entièrement novatrice alors

que la conception de l’instrument était déjà bien

avancée. En conséquence, son plan initial n'était

plus approprié et il dut y remédier non sans

problèmes pour arriver finalement à un résultat

satisfaisant.

(2) Influence de César Franck

En 1857 César Franck fut nommé Maître de

Chapelle et titulaire prévu du nouvel orgue. Ainsi

il aura exercé une grande influence dans ce rôle

de l’élaboration et la conception finale d'orgue et

sa composition.

(3) Evolution de la facture de Cavaillé-Coll

Entre 1853 et 1857 Cavaillé-Coll perfectionna sa

vision de la facture et y ajouta ses idées novatrices

quant à la conception, la mécanique, les timbres

et l’harmonie. Perfectionniste et sans cesse à la

recherche de la pointe du progrès, Cavaillé-Coll

changeait souvent ses plans au cours de la

construction d’un orgue afin d’améliorer sa

qualité.

Lire aussi: Michel Jurine (Rontalon) Propos du grand orgue de la Basilique Sainte-Clotilde. Un tournant dans l’œuvre d’Aristide Cavaille-Coll.

L’ORGUE DE CESAR FRANCK 1/2

Les quelques écrits qui nous sont parvenus indiquent clairement que l’instrument, livré en 1859, était très différent du projet initial de 1853. Les changements les plus importants étaient : Le changement de disposition des claviers Dans le projet de 1853, le clavier de Grand-Orgue se situait au deuxième clavier et le Positif sur le premier clavier (Cette disposition fut héritée de l’Orgue Classique Français qui disposait le Positif de Dos au premier clavier afin de faciliter le trajet de la mécanique). Au courant de la construction de l’orgue, Cavaillé-Coll inversa la disposition et mit le Grand-Orgue au premier clavier et le Positif sur le deuxième clavier. La composition fut agrandie avec l’adjonction de six jeux et l’élimination de certains jeux L’étendue de la pédale passa de 25 à 27 notes. La réorganisation de la distribution les jeux de fonds et les jeux de combinaisons. Cette modification impliqua dès lors une modification profonde avec la création de sommiers nouveaux*; une deuxième machine Barker au Positif; une modification de la mécanique de notes et des jeux ainsi que l’adaptation de la soufflerie. Une indication de l’importance de ces interventions se retrouvent dans les coûts, qui ont été finalement presque une fois et demie plus élevés que prévu. Cavaillé-Coll justifia ces coûts plus élevés à l’architecte Théodore Ballu en affirmant que les circonstances étaient très exceptionnelles à cause de la configuration de la tribune et du buffet, impliquant beaucoup plus de travail et de dépenses que prévu.
L'orgue fut harmonisé par Gabriel Reinburg. Ce n'est pas Franck qui fut amené à faire sonner l'instrument en premier. Lefébure-Wely le fit à l'occasion de deux mariages mondains célébrés le 20 et 29 septembre sous l'insistance de la Duchesse d'Albe et de l' évêque de Carcassonne qui officiait ce jour là. L'inauguration de l’orgue**, initialement prévu le 5 décembre eut lieu le 19 décembre 1859. Franck et Lefébure-Wely se partagèrent les claviers à cette occasion. Le programme fut le suivant : César FRANCK: Final en Sib ( par César Franck) JS. BACH : Prélude & Fugue en mi mineur BWV 533 ( par César Franck) LJ. LEFEBURE-WELY : Trois improvisations sur des cantiques populaires de Noël ( "Adeste Fideles", Grand-Choeur sur le "Il est né le Divin enfant"). Le chanoine Hamelin, curé de la paroisse, procéda à sa bénédiction quelques temps après.
Cavaillé-Coll écrivit ces quelques lignes au sujet de la conception sonore et mécanique à l’époque de la construction de l’orgue de Ste Clotilde : **** Cet orgue est complètement conçu dans une perspective dynamique en vue d’un gigantesque crescendo. Le Basson-Hautbois du Récit, qui intervient dans la nuance piano, boîte fermée, boîte fermée, vient s’accoupler aux jeux de fonds des autres claviers. Il est disposé sur la laye des fonds, de façon à réserver celle des jeux de combinaison aux anches de batterie. Pour jouer de plus en plus fort, il suffit à l’organiste de tirer presque tous les jeux (ceux composant le grand chœur), de fermer la boite du Récit (fonds+hautbois), de mettre l’accouplement Récit/Grand Orgue – mais cela ne fonctionnait pas à Sainte Clotilde - et de jouer au Grand Orgue, puis d’ajouter l’accouplement Positif/Grand Orgue, puis l’appel Grand Orgue, puis, parvenu à ce stade, d’appeler les jeux de combinaison du Positif et enfin du Grand Orgue et de la Pédale. Il y a deux tirasses, celle du Positif entraine l’accouplement Récit, celle du Grand Orgue entraîne l’accouplement Positif ; on aura soin de ne mettre la tirasse Grand Orgue qu’au moment de jouer sur ce clavier. Certains auteurs et interprètes remarquent l’absence de Tirasse Récit et d’accouplement Récit/Grand Orgue, qui sont inutiles dans la mesure où les accouplements Récit/Positif et Positif/Grand Orgue fonctionnent en cascade.

Entretien de l’orgue 1859-1933

L'orgue a été entretenu en 1891 (sans changements importants) et à une date inconnue au début du XXe siècle (à ce moment-là, le Pédale d’orage (ou Appel GO) a été remplacée par une Tirasse Pédale - Récit) par Charles Mutin (le successeur de Cavaillé-Coll). C’était probablement à cette période que la cuillère à crans qui commandait l’ouverture de la Boîte-Expressive du Récit en 3 positions fut remplacée par une Pédale à bascule. L’entretien régulier (c’est-à-dire les diverses petites réparations, accords, réglages mécaniques) fut assuré jusqu’en 1933 par la Maison Cavaillé-Coll et successeurs. Ainsi, avant les grands travaux en 1933, l’orgue n’avait pas bénéficié de changements majeurs et se trouvait dans un relatif bon état au moment de la nomination de Charles Tournemire. ***

La console originale - les enregistrements de 1930-32 - Les témoignages

* Il est possible que plusieurs parties de cet orgue selon le dessin de 1853 aient utilisées pour l'orgue de Saint Martin de Bergues, construit en 1858 par Cavaillé-Coll. ** Helga Schauerte estime que l'orgue n'a été terminé qu'en automne 1863, au moment où Franck était nommé titulaire (Helga Schauerte-Maubouet Théodore Dubois et César Franck à Sainte-Clotilde La tradition musicale de la basilique Sainte-Clotilde de Paris L’Orgue n° 278-279 (2007/II-III) 7-14 ISSN 0030-5170) *** Témoignage de Charles Tournemire dans le programme d'inauguration (1933): ): L’orgue de Sainte Clotilde, inauguré en 1859, ne subit, depuis cette époque, que deux 'relevages'... en 1898, date à laquelle l'auteur de la présente notice, M. Charles Tournemire, prit possession de cette chaire. Dès ce temps-là, l'état de l'orgue réclamait des soins constants. **** Source : Roland Galtier Innovations techniques et musicales chez Cavaillé-Coll des débuts à l’orgue de Sainte-Clotilde. Revue « La Flûte Harmonique » Numéro 97 Association Aristide Cavaillé-Coll, Paris, 2015.

Prochain concert

08 • 02 • 2025, 17h00 Christian Bischof (Allemagne)
Les souffleurs du grand-orgue de Sainte-Clotilde Avant d’être équipée d’un moteur électrique en 1906, la soufflerie du grand-orgue de Sainte-Clotilde était mise en mouvement par des humains ! Les souffleurs d’orgue ont longtemps été indispensables à l’organiste pour mouvoir la mécanique de la soufflerie et tout simplement pour faire sonner l’instrument. Pendant que l’organiste jouait, un ou plusieurs souffleurs transpiraient en actionnant, au bras ou au pied, la pompe des soufflets mécaniques, dans l’ombre, incognito. Un métier qui pourrait être jugé ingrat, dont on ne trouve aucune trace dans le maigre reliquat des archives de la paroisse. On sait que vu la taille de l’instrument, ils devaient être plusieurs. Ces derniers montaient par l’escalier situé à droite du narthex, conduisant à la tribune et à la tour ouest (l’organiste empruntait le pendant qui était plus travaillé avec une rampe en ferronnerie). Bien caché dans la tour, un dispositif relié à une clochette, appelé « le timbre du souffleur » permettait à l’organiste de communiquer avec les souffleurs pour leur donner ordre de pomper. Equipement unique qui mérite d’être relevé, les souffleurs de Sainte-Clotilde disposaient d’un brasero pour se réchauffer. Le conduit et le creuset existent toujours dans la tour ouest.

L’ORGUE DE CESAR FRANCK 1/2

La livraison de l’orgue En 1853, Aristide Cavaillé-Coll conçoit l’orgue de la Basilique St-Clotilde sur la base d’un dessin préalable de la tribune exécuté par l’architecte de l’église (François Gau), en utilisant un dessin ancien qu’il avait réalisé en 1849 pour un orgue dans la cathédrale de Bayonne (cet orgue n’a jamais été construit). En avril 1855, alors que les travaux n’avaient toujours pas commencé, Cavaillé-Coll écrit au préfet afin de lui faire part de son inquiétude. En effet il n’avait toujours pas reçu les plans ultimes pour l’élévation du buffet d’orgue. Ce buffet a finalement été installé à l'été 1857 et Cavaillé-Coll a rapporté en septembre 1857 que presque toutes les parties de l’instrument prévues avaient été exécutées. Alors que la Basilique a été consacrée le 30 novembre 1857, l’orgue n’a été livré qu’au dernier semestre de l’année 1859. Pendant deux ans, la paroisse loua deux petits instruments à Cavaillé-Coll. Le premier, qui comportait 4 jeux, fut utilisé de décembre 1857 à mars 1858. Il fut remplacé par un instrument plus important, de 14 jeux et fut utilisé jusqu’à l’inauguration du grand-orgue.
L'orgue fut harmonisé par Gabriel Reinburg. Ce n'est pas Franck qui fut amené à faire sonner l'instrument en premier. Lefébure- Wely le fit à l'occasion de deux mariages mondains célébrés le 20 et 29 septembre sous l'insistance de la Duchesse d'Albe et de l' évêque de Carcassonne qui officiait ce jour là. L'inauguration de l’orgue**, initialement prévu le 5 décembre eut lieu le 19 décembre 1859. Franck et Lefébure-Wely se partagèrent les claviers à cette occasion. Le programme fut le suivant : César FRANCK: Final en Sib ( par César Franck) JS. BACH : Prélude & Fugue en mi mineur BWV 533 ( par César Franck) LJ. LEFEBURE-WELY : Trois improvisations sur des cantiques populaires de Noël ( "Adeste Fideles", Grand-Choeur sur le "Il est né le Divin enfant"). Le chanoine Hamelin, curé de la paroisse, procéda à sa bénédiction quelques temps après.

Entretien de l’orgue 1859-1933

L'orgue a été entretenu en 1891 (sans changements importants) et à une date inconnue au début du XXe siècle (à ce moment-là, le Pédale d’orage (ou Appel GO) a été remplacée par une Tirasse Pédale - Récit) par Charles Mutin (le successeur de Cavaillé-Coll). C’était probablement à cette période que la cuillère à crans qui commandait l’ouverture de la Boîte- Expressive du Récit en 3 positions fut remplacée par une Pédale à bascule. L’entretien régulier (c’est-à-dire les diverses petites réparations, accords, réglages mécaniques) fut assuré jusqu’en 1933 par la Maison Cavaillé-Coll et successeurs. Ainsi, avant les grands travaux en 1933, l’orgue n’avait pas bénéficié de changements majeurs et se trouvait dans un relatif bon état au moment de la nomination de Charles Tournemire. ***

La console originale - les enregistrements

de 1930-32 - Les témoignages

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